Plateau Urbain investit des espaces urbains vacants pour leur donner temporairement une vie culturelle ou économique sociale et solidaire. Le potentiel de Saint-Vincent-de-Paul est-il particulier ?
Dès le début de nos réflexions, nous avons été frappés par sa localisation, son ampleur et son histoire, ainsi que par la démarche de transition urbaine déjà engagée. Elles lui donnaient le potentiel d’une occupation remarquable, au rayonnement international, et qui aborde des enjeux forts de notre époque : intégration des plus vulnérables, accueil des activités émergentes dans un contexte tendu, synergies entre publics. Intervenir à cette échelle, et sur un palimpseste architectural, constitue un défi passionnant.
Quelles ont été vos intentions initiales ? Comment votre intervention s’est-elle articulée à celle d’Aurore et de Yes we camp au sein des Grands Voisins ?
Notre intervention s’est bâtie sur trois composantes primordiales. D’une part, assurer la coordination des interventions techniques, de l’activation des bâtiments à leur entretien. D’autre part, assurer la programmation et l’occupation des espaces d’activités, essentiels à l’animation du site et à la réussite du projet de mixité porté par tous les partenaires. Enfin, contribuer à la gouvernance des Grands Voisins, des choix stratégiques à l’accompagnement des projets mis en œuvre par les occupant·e·s.
La collaboration entre trois structures très différentes dans leurs moyens et leur approche, a été extrêmement enrichissante. À partir d’intentions partagées, il s’agit de construire de manière itérative une gouvernance de projet qui permette à la fois d’en assurer le pilotage d’ensemble et de répondre aux multiples enjeux du quotidien. Nous avons pu mener cette tâche à bien grâce à l’implication de chacun·e et en exploitant les complémentarités entre nos métiers et périmètres d’intervention.
Sur quelles bases repose la programmation urbaine de Saint-Vincent-de-Paul ? Comment sélectionnez-vous les futurs porteurs de projet résidents ?
Notre conviction est qu’une programmation ouverte à une diversité d’activités et de profils est la base d’une occupation bénéfique au plus grand nombre. Des appels à candidatures nous ont permis de mobiliser un nombre grandissant d’acteurs, qui contribuent à la fois financièrement et - surtout - humainement à cette aventure. Les 250 structures du site - artisans, jeunes entreprises, associations, artistes… - ont donc été sélectionnées sur leur apport à la diversité de compétences et de pratiques, sur leur volonté de contribuer au projet commun et sur leur besoin réel de locaux à prix réduits.
Que représente le rôle de coordonnateur technique que vous assurez dans cette période transitoire ? Comment cohabite-t-il avec l’intervention de l’aménageur PBA dans le cadre du projet Saint-Vincent-de-Paul ?
La mission de coordination technique sur la phase actuelle prolonge celle que nous avons assurée depuis 2015. Elle vise à permettre l’activité générale du site et de chacun e de ses occupants, en intégrant les aspects les plus divers : réseaux, gestion des flux, entretien courant, coordination des différentes interventions en lien avec nos partenaires. À ce titre, nous sommes en contact étroit avec les équipes de l’aménageur et ses prestataires, pour assurer une bonne articulation entre les rythmes et contraintes propres à un chantier et la vie au sein du site. Cette nouvelle interface est particulièrement intéressante, car nous avons l’occasion de mener une démarche exemplaire d’occupation au plus près des chantiers.
Les principes de gestion mis en place ont-ils une chance d’inspirer de nouveaux modèles économiques futurs ou ne sont-ils envisageables que dans un contexte expérimental ?
Les principes fondamentaux du projet inspirent d’ores et déjà de nombreux territoires, métropolitains ou non. Nous concevons l’expérience des Grands Voisins comme un modèle transposable, en cela qu’un ou plusieurs aspects du projet peuvent être mobilisés en fonction d’un contexte donné. Qu’il s’agisse des systèmes de péréquation, de gouvernance ou de gestion, notre conviction est que l’urbanisme temporaire vient prolonger et enrichir les réflexions et outils déjà existants. Les Grands Voisins sont un exemple frappant d’une fabrique de la ville où la question fondamentale est la valeur d’usage du bâti, et non sa valeur marchande. Nous pensons que dans les années à venir, l’ensemble des acteurs de la ville vont chercher à intégrer cette approche pour répondre aux grands enjeux contemporains : reconstruction de la ville sur elle-même, augmentation de la qualité d’usage, accueil des plus vulnérables et des acteurs de demain...
Qu’espérez-vous que le projet Saint-Vincent-de-Paul, retienne de vos initiatives ? Et plus tard le quartier ?
Il est particulièrement intéressant que le projet Saint-Vincent-de-Paul, imaginé à partir de 2014 était à proprement parler temporaire, et que les années ont fait émerger l’idée d’une transition entre cette phase et le futur quartier. Ceci n’a été possible que grâce à la confiance dont ont bénéficié les structures de gestion du projet, et de la qualité du dialogue établi avec nos partenaires - collectivité, équipe de maîtrise d’œuvre urbaine, propriétaires successifs, aménageur, mais aussi riverain·e·s et usager·e·s. L’idée de mettre à profit l’usage temporaire du site pour expérimenter des futurs possibles a émergé assez naturellement. Elle se concrétise ainsi par la mise en place dans la phase 2 des Grands Voisins d’un dispositif innovant de loyer progressif pour des ateliers-boutiques, qui doit permettre à de jeunes projets de se développer. En fonction des résultats de cette expérience, le projet pourra intégrer un principe de socle actif à la gestion spécifiquement dédiée à des services et commerces au modèle économique émergent et à forte valeur ajoutée, poursuivant ainsi l’un des aspects cruciaux des Grands Voisins.