Le lieu : l'ancienne maternité Pinard
Construit en 1934, le bâtiment Adolphe Pinard de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul a été l’une des premières maternités modernes de Paris. Il se compose de trois ailes en U. Une extension datant de 1969 (volume à reconstruire) est venue fermer une cour intérieure. Son écriture architecturale, avec ses modénatures de brique blonde, le rattache au style régionaliste en vogue dans l’entre-deux- guerres. Ses toitures terrasses accessibles, ses grandes cages d’escalier éclairées naturellement et ses façades porteuses libérant les plateaux intérieurs lui confèrent une grande modernité et le rendent facilement adaptable à de nouvelles fonctions. Les surfaces à rez-de-jardin (cour) et au 1er et 2e étages sont dévolues au super-équipement, soit 6 300 m² de SDP, auxquelles s’ajoutent la cour de 1000 m² et les toitures de 1 300 m². Les espaces situés en cours anglaises (1 400 m²) accueilleront des activités économiques qui fonctionneront de manière indépendante.
L'intention : répondre à des enjeux multiples
Le bâtiment Pinard sera doublement mutualisé, d’une part par le partage de surfaces entre trois équipements publics – une crèche, un groupe scolaire et un gymnase – d’autre part par le fait que certains espaces seront également accessibles à d’autres usagers en dehors des temps d’utilisation première. Cette double mutualisation répond à plusieurs enjeux.
Urbains
- Concentrer l’animation en un lieu de destination : la dispersion des équipements publics les aurait condamnés à une certaine banalité. Les regrouper permet au contraire de singulariser le bâtiment hôte, qui devient un lieu de destination, y compris pour des publics résidant à la périphérie du quartier.
- Faciliter les relations d’usage entre les équipements : la proximité de la crèche et du groupe scolaire permettra le développement d’activités «passerelles» (assurant une transition en douceur vers l’école) ; le gymnase, dont les enfants seront des utilisateurs privilégiés, leur sera très facilement accessible.
Programmatiques
- Optimiser l’utilisation de l’espace : la mise en commun de certains espaces permet de gagner de la place utile, donc du confort pour la pratique des différentes activités.
- Accueillir d’autres usages : la place gagnée peut être mise à la disposition des équipements eux-mêmes, ou permettre de créer d’autres espaces d’accueil du public, pour des activités connexes. Le partage de l’espace peut aussi se faire dans le temps, en ouvrant le bâtiment en soirée, weekend ou vacances scolaires.
Politiques et économiques
- Répondre aux enjeux du présent : les opérations d’aménagement sont les laboratoires d’une innovation visant à adapter nos «façons de faire» aux enjeux de la ville contemporaine. Pour l’aménageur, il s’agit en l’occurrence de s’adapter à la rareté du foncier à Paris, par la superposition des fonctions urbaines, et de créer les conditions d’un lien social renforcé. Pour les services gestionnaires, il s’agit d’adapter les équipements à l’évolution des méthodes d’éducation (la salle de classe de demain ne sera pas celle d’hier) ou des pratiques sportives (le sport de compétition cède le pas à des activités de forme physique).
- Optimiser la gestion des services publics : la mutualisation des bâtiments est l’occasion, pour les services gestionnaires, de réfléchir aussi à l’optimisation de la gestion des services publics concernés. Ce point est développé plus loin.
Dialogue et co-construction
Notre intention étant de concilier de multiples enjeux dans un projet unique, le dialogue et la co-construction se sont naturellement imposés comme la méthode la plus efficace pour le mener à bien.
Avec les gestionnaires
Le programmiste Alphaville a fait travailler en atelier les trois services gestionnaires des équipements publics (Affaires scolaires, Famille et Petite Enfance, Jeunesse et Sports), ainsi que la Direction des Constructions Publiques et de l'Architecture. Le travail en atelier a permis de définir un programme structuré selon des typologies d’espaces pertinentes eu égard à la mutualisation du bâtiment, comme le montre le schéma ci-dessous. La question de la gestion de l’équipement est vite apparue déterminante. La désignation d’un gestionnaire unique, a priori public, semble nécessaire pour assurer la bonne cohabitation des usages premiers et secondaires, tout en maximisant ces derniers. La mairie de Paris s’est attaché les services d’un assistant à maîtrise d’ouvrage pour anticiper les contraintes de fonctionnement, d’exploitation, de maintenance et de réaffectation de l’équipement. Il établira également un bilan d’exploitation, intégrant les économies permises par la mutualisation inter-services et les surcoûts induits par l’ouverture aux usages secondaires.
Avec les citoyens
Afin d’associer les futurs usagers à la conception de l’équipement, nous avons organisé quatre ateliers réunissant des habitants du 14e arrondissement et des représentants d’associations du quartier, en veillant à la mixité générationnelle du groupe. La démarche de l’agence de concertation Palabréo a consisté à partir des intérêts individuels pour construire un projet collectif. Les participants ont endossé le rôle du programmiste pour élaborer une annexe « citoyenne » au cahier des charges de maîtrise d'œuvre. Celle-ci a été enrichie des travaux d’ateliers participatifs menés par le CAUE 75 avec plusieurs écoles parisiennes autour de l’aménagement des cours de récréation. Outre l’avis exhaustif rédigé par les participants, l’illustratrice Diane Berg a traduit en dessin les usages attendus en toiture et dans la cour de l’école.
Avec la maîtrise d'oeuvre
La synthèse de ces ateliers avec les gestionnaires et les citoyens a donc été versée au cahier des charges du dialogue compétitif12 qui vient de démarrer. Le travail de l’AMO gestion viendra également nourrir en temps utile la réflexion des trois équipes retenues13. Nous avons choisi la procédure de dialogue compétitif de préférence à un concours classique car le programme, les attentes exprimées lors de la concertation et les contraintes de gestion doivent être confrontés aux potentialités du bâtiment. L ’apport des concepteurs, pour ce qui concerne la mutualisation, est particulièrement attendu sur trois points : l’indépendance fonctionnelle entre les espaces là où elle est nécessaire, l’optimisation surfacique au profit notamment des tiers espaces, et l’adaptation des locaux aux contraintes de gestion.
Les espaces augmentés pour une intensification des usages : Les utilisations secondaires peuvent amener à modifier la conception d’espaces (surface, aménagement, ambiance, rangements…) dans une logique « d’augmentation » des usages possibles. Tous les espaces communs sont potentiellement concernés, mais certaines augmentations ont déjà été envisagées (la salle d’activités de la crèche pour un usage de ludothèque, l’espace d’accueil de l’école pour un usage de salle de réunion, l’atelier dessin-musique de l’école pour un usage de salle de répétition, les salles de jeux de l’école pour un usage de salle d’activité.
12. Pour la réhabilitation de bâtiments, les marchés de conception-réalisation peuvent être passés dans le cadre d’un dialogue compétitif, notamment lorsque le pouvoir adjudicateur ne peut pas définir seul et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins. Par rapport à un appel d’offres, le dialogue compétitif n’enferme pas les propositions dans des spécifications techniques précises et permet une vision plus complète et comparative des solutions.
13. Chartier Dalix Architectes
EVP (structure), B52 (fluides), BMF (économie), ZEFCO (environnement), Atelier Roberta (paysage) LASA Paris (acoustique), Atelier d’écologie urbaine, R-USE (réemploi).
Encore heureux Architectes
Assemble Studio (architectes associés), Atelier A+1 (architectes associés), Jung Architectures (architectes associés), Khephren Ingénierie (structure), Alto Ingénierie (fluides, BIM), ATEC (économie), Elioth Egis Concept (environnement), Floquart Dior Paysage (paysage), Atelier Rouch (acoustique), Gaujard Technologies Scop (structure bois).
Atelier O-S Architectures
Julien Beller (architecte associé), Atelier Altern (paysage), GEC Ingénierie (économie, environnement), R-USE (réemploi), Conseil Vincent Hedon (acoustique) Monokrom Architectes (BIM), Studio Isabelle Daëron (designer).